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Odile Caradec : " L'assaisonnement furtif qui fait les vrais poèmes "
(par Martine Morillon-Carreau, 7 à dire n° 10)


    C'est dans Chant d'ostéoporose (Éditinter, 2000) que j'ai découvert cette image insolite d'Odile Caradec ; et mélodieuse, heureuse, savoureuse, goûteuse image ; comme tant d'autres chez l'auteur : une image longue en bouche ; ici non seulement caractéristique d'une manière, d'un ton, d'une voix, mais bien porteuse d'un véritable programme poétique.

    Difficile de démêler ce qui a, en premier, éveillé là ma gourmandise : du piment de la métaphore culinaire - fréquente d'ailleurs dans le reste de l'œuvre ;  ou du charme frissonnant de la mélodie et du rythme sous un jeu subtil d'assonances et allitérations (violoncelliste, Odile Caradec, qui a commencé l'étude de cet instrument à sept ans, entretient une connivence toute particulière avec la musique... et a publié en 1996 aux éditions En Forêt Vaches, automobiles,violoncelles) ; ou encore de la discrète, furtive, dérision de la formule ? À moins que ce ne soit cet au-delà pressenti du texte, cette frémissante suggestion, dans l'humilité, du haut mystère de la poéticité ? L'ensemble sans doute : N'est pas à ce qu'il nous offre une " forme-sens " qu'on reconnaît le texte poétique ?

    Dans l'entretien qu'elle accordait à Alain Lacouchie pour le numéro 84 de la revue Friches, Odile Caradec, qui dit ne pas aimer théoriser, évoque " la tyrannie des lincuistres, mis en vedette par le fameux Magazine Littéraire de mars 2001 ". Lorsqu'elle parle de poésie, elle préfère l'image, voire la parabole burlesque, énoncée avec une insolence simple et tranquille, qui démythifie l'inspiration, la création, le poète : " La tête du poète est une cocotte-minute. Quand le poème est prêt, la vapeur siffle ", écrit-elle dans l'anthologie Vous avez dit " Poésie " ? (Sac à mots édition, octobre 2003). Il est parfois bon de rappeler que " qui veut faire l'ange fait la bête ".

    Pour Odile Caradec, qui depuis 1969 a publié une quinzaine de livres, entre autres à Traces, L'Arbre à Paroles, au Dé Bleu et chez Éditinter,  la poésie est trop importante pour qu'elle veuille, ou puisse, en parler sérieusement ; de même que ces autres grandes choses de la vie : l'érotisme, le vieillissement ou la mort - Cymbales lointaines (Éditinter, 2003) vient de nous proposer des " épitaphes ".
     Chez elle l'humour, voire la dérision, masquent, apprivoisent l'angoisse, ou tout autre expérience humaine susceptible de bouleverser, transporter, exalter ; et qu'il s'agit de se réapproprier ; domestiquer en quelque sorte : de les faire entrer, tenir, dans la maison  des mots. Avec les mots de la maison, bien souvent ; y compris les plus quotidiens, les plus humbles voire triviaux : " chaussettes de laine ", " chiffon " , " plumard géant " ...
     Mais comme il s'agit, on en sent vite vibrer le charme et le mystère, d'une maison - " habitation " - poétique, il arrive que les associations, décalages, dissonances, glissements de sens et sons, fassent surgir aussi bien de sous la " couette rouge ", voire du fond de la " marmite ", que sous les " coups d'archet " ou " dans un buisson de lune " (même s'" il fait un temps de petit gris ") cet enchantement de la " poésie rayonnante ".
     Et " les poèmes envahissent les paumes ", comme un " désir d'enfant choisi dans la tendresse " !

(Martine Morillon-Carreau, 7 à dire n° 10)


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