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L’épigraphe
empruntée à Mauriac et le premier
poème dédié au peintre Loïc
Noël situent
d’emblée le projet du beau et grave recueil de
Jean-Claude Albert Coiffard, Plein
Cintre (Sac à
mots édition, juin 2002) :
il s’agit ici, comme l’écrit le
poète, de « pouvoir
fixer l’instant
/ avec de simples mots »,
d’écrire contre le temps, contre
l’oubli, et plus particulièrement, selon la
formule de Saint John Perse,
« pour fêter une
enfance » ; mais – loin des
fastes énigmatiques
et tropicaux de la célébration persienne
– en toute simplicité et demi-teintes ligériennes
: c’est qu’à
l’instar de Mauriac, J.C.A. Coiffard reste dubitatif devant
cette « tentative
prométhéenne », peut-être
finalement après tout « effort
dérisoire ».
De là
sans doute cette douceur mélancolique, cette nostalgie
tendre, très prenantes,
des poèmes de Plein Cintre, comme de La
Source et les roseaux qui
fait suite dans le recueil aux textes de Plein Cintre
proprement dit, et
où le poète célèbre Simone,
la femme aimée : la délicatesse de la
touche,
l’art de la nuance, n’en font que plus vivement
surgir aux yeux du lecteur
« un moineau picorant / les
miettes du silence »
ou « les sarments de novembre »
avec « leur ombre
bayadère / sur la toile de Jouy » ;
le poète avouant cependant à celle(s) qui a (ont)
entouré son enfance : «mais
tu n’es plus qu’une ombre / sur des ombres
penchée // et même ton sourire / est
un reflet qui meurt ». Urgente
donc la remémoration, qui accomplit
dans l’écriture sa transfiguration
:
À part en ce dernier poème de Plein Cintre, plus déconstruit – à l’image de l’effacement évoqué – et dans le pénultième de La Source…, l’harmonie du temps lointain de l’enfance, réelle et rêvée, que chante le poète, ou l’harmonie amoureuse de la jeunesse avec Simone, trouvent comme naturellement forme dans la petite musique régulière de ces distiques d’hexasyllabes où l’on peut aussi entendre se recomposer le grand rythme de l’alexandrin : ces « alexandrins blancs » qui ne s’affirment pas visuellement comme tels disent à la fois l’hommage au passé personnel et poétique, l’inscription dans une lignée humaine et dans la tradition lyrique ; tradition ici revisitée par une modernité poétique modeste et sage : le poète, et il l’assume avec une pudeur sans pathos, est bien ici de son époque, lui qui sait n’être qu’un homme et notre civilisation, mortelle : « dans les sillons du cœur / le temps passe la houe ». (Martine
Morillon-Carreau, Traces
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