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Plein cintre  de Jean-Caude Albert Coiffard   (Sac à mots édition, 2002)
(par Martine Morillon-Carreau Traces 147)

         L’épigraphe empruntée à Mauriac et le premier poème dédié au peintre Loïc Noël situent d’emblée le projet du beau et grave recueil de Jean-Claude Albert Coiffard, Plein Cintre (Sac à mots édition, juin 2002) : il s’agit ici, comme l’écrit le poète, de « pouvoir fixer l’instant  / avec de simples mots », d’écrire contre le temps, contre l’oubli, et plus particulièrement, selon la formule de Saint John Perse, « pour fêter une enfance » ; mais – loin des fastes énigmatiques et tropicaux de la célébration persienne – en toute simplicité et demi-teintes ligériennes : c’est qu’à l’instar de Mauriac, J.C.A. Coiffard reste dubitatif devant cette « tentative prométhéenne »,  peut-être finalement après tout « effort dérisoire ».

         De là sans doute cette douceur mélancolique, cette nostalgie tendre, très prenantes, des poèmes de Plein Cintre, comme de La Source et les roseaux qui fait suite dans le recueil aux textes de Plein Cintre proprement dit, et où le poète célèbre Simone, la femme aimée : la délicatesse de la touche, l’art de la nuance, n’en font que plus vivement surgir aux yeux du lecteur « un moineau picorant / les miettes du   silence » ou « les sarments de novembre » avec « leur ombre bayadère / sur la toile de Jouy » ; le poète avouant cependant à celle(s) qui a (ont) entouré son enfance : «mais tu n’es plus qu’une ombre / sur des ombres penchée // et même ton sourire / est un reflet qui meurt ». Urgente donc la remémoration, qui accomplit dans l’écriture sa transfiguration :

Je colle mon oreille
à la porte du livre
une voix dans la marge
parle pour d’autres voix
      j’écoute
avant que ne s’efface
sur le sable des rêves
le pas ailé
des mots


 

         À part en ce dernier poème de Plein Cintre, plus déconstruit – à l’image de l’effacement évoqué – et dans le pénultième de La Source…, l’harmonie du temps lointain de l’enfance, réelle et rêvée, que chante le poète, ou l’harmonie amoureuse de la jeunesse avec Simone, trouvent comme naturellement forme dans la petite musique régulière de ces distiques d’hexasyllabes où l’on peut aussi entendre se recomposer le grand rythme de l’alexandrin : ces « alexandrins blancs » qui ne s’affirment pas visuellement comme tels disent à la fois l’hommage au passé personnel et poétique, l’inscription dans une lignée humaine et dans la tradition lyrique ; tradition ici revisitée par une modernité poétique modeste et sage : le poète, et il l’assume avec une pudeur sans pathos, est bien ici de son époque, lui qui sait n’être qu’un homme et notre civilisation, mortelle : « dans les sillons du cœur / le temps passe la houe ».

(Martine Morillon-Carreau, Traces 147)

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