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Marie-Hélène VERDIER : Francesca Romana
"Mon petit Voyage à Rome à moi."
(Librairie-Galerie Racine, 2009, 191 pages, 19 €)

(par Martine Morillon-Carreau, Poésie/première n° 47, juin 2010-12)

    " Ami lecteur, c'est décidé ! Je vais écrire des choses joyeuses, de la joie à pleins bras, à plein cœur... " nous annonce d'emblée Marie-Hélène Verdier ou plutôt le narrateur initial de cette prose, qui aurait pu s'appeler " roman ", ce que l'auteur n'a cependant pas choisi de préciser.
    Sans doute parce que, si Francesca Romana s'inscrit bien dans un schéma narratif romanesque, son auteur reste avant tout poète. Pas seulement parce qu'elle a déjà publié neuf recueils de poésie, mais bien parce que ses proses - nouvelles ou romans - offrent toutes au lecteur cette mystérieuse qualité d'écriture dispensatrice de rêve en ses décalages ou détournements comme autant de défis insolents tranquillement lancés aux modes ou clichés du temps, de charme enfin (au sens étymologique du terme), dont l'alchimie énigmatique rend le juste son de la poésie.
    Outre un contraste soigneusement ménagé entre le ton allègre, à la désinvolture très stendhalienne, des dialogues d'une moderne familiarité, et un travail très précis sur la langue, qui cisèle certaines formules en savant orfèvre, on trouvera peut-être le décalage le plus exemplaire dans l'évident mais apparent contraste entre cette ouverture joyeuse, en forme de déclaration d'intention et l'atmosphère des deux derniers chapitres en particulier, avec le choix de la saison automnale, la citation du Qohélet, les mélancolies funéraires du 1er novembre, le " soir qui tombe ".
    Apparences et jeu de masques cependant, car l'exergue d'Apollinaire nous avertissait déjà de l'inéluctable : " l'automne est morte [...] nous ne nous verrons plus sur terre ". Apparences à réviser encore toutefois, même si " à nous vivants, il faut vastes espaces, amour brûlant, douleur mortelle, pour vivre ici et dans l'éternité " : c'est de la pensée même de la mort que doivent naître la joie, toute franciscaine (titre oblige), et la louange, à la manière si poétique des fioretti du pauvre petit frère d'Assise : " Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la mort " !
    Car le propos du livre, où meurent effectivement ces êtres tendrement aimés avec qui on a souvent tant plaisanté, est grave ; profondément religieux ; ce qui n'en exclut nullement le rire, sur lequel d'ailleurs il se clôt, avec le cri - si ambigu - d'une mouette rieuse au-dessus de la splendeur méditerranéenne. Légèreté, moquerie ; mais envers qui ? " Sereine ironie ", qui sait, d'un " éternel Azur " à jamais et malgré tout inaccessible ?

(par Martine Morillon-Carreau, Poésie/première n° 47, juin 2010)


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