Présentation de
Marie-Hélène Verdier dans la revue 7 à
dire
« un mot brin de paille dans
la main… »
(Par Martine Morillon-Carreau,
Revue
7 à
dire n° 03)
« On
n’écrit rien que par folie »
affirme une des voix narratives dans Le
Grand Vénéré ,
recueil de
nouvelles du poète Marie-Hélène
Verdier, salué à sa parution par Le
Monde pour
ses « qualités
narratives » comme pour son
« écriture économe
d’effets mais point avare de
poésie ». C’est que le regard
fou des
personnages, dont l’auteur saisit, explore, exploite les
glissements,
décalages, dérapages à partir
d’un mot –
d’une image à l’autre, d’un
souvenir à l’autre, d’un registre
à
l’autre –
y devient vision et
fulguration poétiques : « Me
voici sous la lampe qui me tient aux
épaules de son grappin
d’ombre ». Mais la dissonance, la
fêlure de la
folie des personnages, et l’humour insolent et tranquille de
l’auteur viennent
aussi, entre cruauté et tendresse, proposer leur contrepoint
de dérision :
ainsi à propos de la main de la femme aimée,
perdue, frôlant celle du narrateur
« Je ne la pris pas. Je ne suis pas un
voleur. »
Une écriture
du contraste donc, jouant
sur l’image
imprévue, le rapprochement déroutant, mais
toujours tellement plus
immédiatement justes que le convenu,
l’attendu ! Parce que sachant convier
le lecteur au plus près du sensible, du sensoriel.
Parisienne, mais avouant
volontiers son irrépressible tropisme
méditerranéen (« Les jours se
succédaient
dans le bleu… une idée du bonheur – qui
implique répétition »), et un
profond attachement à la nature, M.H. Verdier use
d’une écriture précise,
exacte, puisant aux sources de la flore ou de la faune la plus humble,
comme au lexique
des vieux
métiers ; telle qu’on la goûte
avec sa simplicité calculée, au fil des
sept recueils de poésie publiés à ce
jour par l’auteur : l’herbe, les
« fleurs des cerisiers », les
« heaumes des peupliers », la
« jacinthe aux nœuds
serrés », la lavande, les mimosas, un
amandier,
les pieds d’alouette « aux
éperons radieux »,
disent la connivence jubilatoire du poète avec
une nature
où prêter
attention aux abeilles, à l’élyme des
sables, aux
fauvettes et hirondelles, à
« l’aigle royal aux yeux
crevés » ou
à l’âne, et à
« la truite
sous les pierres » comme au
« lièvre
frott[ant] / ses yeux / poisseux
de colza » ;
tandis que « bois de cœur»,
aubier, copeaux ou andain, nous rappellent les travaux du menuisier, du
faucheur.
Ainsi est-on
convié à « la
traversée d’un pays enchanté qui a les
couleurs et les
métamorphoses du rêve », selon
les mots, en sa préface du Prince au lys,
de celui qui fut pour l’auteur grand passeur en
Poésie, Pierre Emmanuel, évoqué
par elle avec une affectueuse révérence, comme
aussi le souvenir de son père,
son initiateur aux choses de l’esprit, au plaisir de
« la vie avec les
livres ». Et le poète de rappeler
également volontiers ce qu’elle doit à
deux fortes rencontres picturales : un Philippe de Champaigne,
le Christ
au Tombeau et, à Sansepolcro, la fresque de la
Résurrection du Christ,
par Piero della Francesca ; choix révélateur de
la foi qui guide ce poète de la
ferveur aux « yeux emplis / du fouillis des
étoiles » ;
mais poète aussi d’une inlassable quête,
elle qui a
« gratté jusqu’à
l’os
/ le nom de Dieu ».
(Martine Morillon-Carreau,
Revue
7 à
dire n° 03)
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