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Présentation de Marie-Hélène Verdier dans la revue 7 à dire
« un mot brin de paille dans la main…
[1]  » 

(Par Martine Morillon-Carreau, Revue 7 à dire n° 03)

« On n’écrit rien que par folie » affirme une des voix narratives dans Le Grand Vénéré [2], recueil de nouvelles du poète Marie-Hélène Verdier, salué à sa parution par Le Monde pour ses « qualités narratives » comme pour son « écriture économe d’effets mais point avare de poésie ». C’est que le regard fou des personnages, dont l’auteur saisit, explore, exploite les glissements, décalages, dérapages à partir d’un mot  – d’une image à l’autre, d’un souvenir à l’autre, d’un registre à l’autre  – y devient vision et fulguration poétiques : « Me voici sous la lampe qui me tient aux épaules de son grappin d’ombre ». Mais la dissonance, la fêlure de la folie des personnages, et l’humour insolent et tranquille de l’auteur viennent aussi, entre cruauté et tendresse, proposer leur contrepoint de dérision : ainsi à propos de la main de la femme aimée, perdue, frôlant celle du narrateur « Je ne la pris pas. Je ne suis pas un voleur. »
 
    Une écriture du contraste donc,  jouant sur l’image imprévue, le rapprochement déroutant, mais toujours tellement plus immédiatement justes que le convenu, l’attendu ! Parce que sachant convier le lecteur au plus près du sensible, du sensoriel. Parisienne, mais avouant volontiers son irrépressible tropisme méditerranéen (« Les jours se succédaient dans le bleu… une idée du bonheur – qui implique répétition »), et un profond attachement à la nature, M.H. Verdier use d’une écriture précise, exacte, puisant aux sources de la flore ou de la faune la plus humble, comme  au lexique des vieux métiers ; telle qu’on la goûte avec sa simplicité calculée, au fil des sept recueils de poésie publiés à ce jour par l’auteur : l’herbe, les « fleurs des cerisiers », les « heaumes des peupliers », la « jacinthe aux nœuds serrés », la lavande, les mimosas, un amandier, les pieds d’alouette « aux éperons radieux [3]», disent la connivence jubilatoire du poète avec une nature où prêter attention aux abeilles, à l’élyme des sables, aux fauvettes et hirondelles, à « l’aigle royal aux yeux crevés » ou à l’âne, et à « la truite sous les pierres » comme au « lièvre frott[ant] / ses yeux / poisseux de colza [4] » ; tandis que « bois de cœur[5]», aubier, copeaux ou andain, nous rappellent les travaux du menuisier, du faucheur.

    Ainsi est-on convié à « la traversée d’un pays enchanté qui a les couleurs et les métamorphoses du rêve », selon les mots, en sa préface du Prince au lys, de celui qui fut pour l’auteur grand passeur en Poésie, Pierre Emmanuel, évoqué par elle avec une affectueuse révérence, comme aussi le souvenir de son père, son initiateur aux choses de l’esprit, au plaisir de « la vie avec les livres ». Et le poète de rappeler également volontiers ce qu’elle doit à deux fortes rencontres picturales : un Philippe de Champaigne, le Christ au Tombeau  et, à Sansepolcro, la fresque de la Résurrection du Christ, par Piero della Francesca ; choix révélateur de la foi qui guide ce poète de la ferveur aux « yeux emplis / du fouillis des étoiles [6]» ; mais poète aussi d’une inlassable quête, elle qui a « gratté jusqu’à l’os / le nom de Dieu [7]».


(Martine Morillon-Carreau, Revue 7 à dire n° 03)

[1]  M-H. Verdier, Le Prince au lys (Saint-Germain-des-Prés, 1980 )

[2] Le Grand Vénéré (Le Cherche-Midi,1984)

[3] Pieds-d’alouette (Librairie-Galerie Racine,2001)

[4] L’Anneau de Saturne (Saint-Germain-des-Prés, 1982 )

[5] Bois de Cœur (Le Méridien, 1988)

[6] Ibid.

[7] Ibid.



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