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Pierre de foudre
la poésie (7 à dire
n° 62) Retrouvé, en feuilletant Le Livre
des déserts[1],
un texte de
Théodore Monod, extrait de
L’Hippopotame et le Philosophe,
où l’auteur s’intéresse aux
« Pierres magiques » : croyant
qu’elles
ont été projetées du haut du ciel par
l’orage (l’essai de Monod est paru en
1946), les paysans africains, y apprend-on, nomment pierres de foudre
les haches polies préhistoriques qu’il leur arrive de découvrir dans
leur
champ. Car, oui, le poème gagne bien souvent à advenir, sous le regard du lecteur, en pierre de foudre tombée du ciel. Tant pis, ou plutôt tant mieux si le lecteur qui découvre le poème achoppe d’abord et à tout le moins hésite sur le sens de telle ou telle construction, telle ou telle formule, tel ou tel mot. À l’instar de l’ancien paysan africain retournant entre ses doigts cette pierre de foudre trouvée au hasard de son champ et à laquelle, tout en en ignorant l’usage et l’origine, il accorde vertu propitiatoire, le lecteur aura tout intérêt à poursuivre, recommencer, recommencer encore sa lecture, dans la plus attentive et fervente humilité. En acceptant de s’ouvrir chaque fois davantage, non seulement – car il y faudra sans conteste cette impression première – au charme mystérieux du poème qui lui résiste, mais encore et surtout à sa force d’arrachement aux clichés du prêt-à-penser / prêt-à-dire. À sa force enfin d’entraînement ailleurs, toujours plus loin, vers des chemins de crête (d’où contempler parfois quelque vertigineux et fascinant abîme insoupçonné), vers un zénith de vie, une plus grande évidence de lumière pressentis et qui ne résident qu’en lui dans sa forme unique, et ne nous parviennent que par lui et par le rythme unique qu’a su lui insuffler le poète et qui est comme le souffle vital de ce dernier. Une de ces lumières soudaines, singulières lumières d’orage, si propres, éclatantes et sombres, au dévoilement des durs contours des choses, cette ἀλήθεια (alèthéia) qui, chez les anciens Grecs – en œuvrant contre l’oubli – désigne aussi la réalité, voire la vérité. « La foudre », lit-on chez Héraclite, « la foudre gouverne toutes choses » : « τὰ δὲ πάντα οἰακίζει κεραυνός » . [1] Le Livre des déserts, Bouquins, Laffont, déc. 2005, sous la direction de Bruno Doucey. (par Martine Morillon-Carreau
(revue 7 à dire numéro 62)
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